La Cible

Aout 2021

La Cible, magazine officiel de l’IQPF, est destinée aux planificateurs financiers et leur permet d’obtenir des unités de formation continue (UFC). Chaque numéro aborde une étude de cas touchant les différents domaines de la planification financière.

Issue link: https://digital.carswellmedia.com/i/1395656

Contents of this Issue

Navigation

Page 17 of 29

18 lacible | Août 2021 SUCCESSION ADMINISTRATION DU BIEN D'AUTRUI : QUAND LES LIMITES SE CHEVAUCHENT Caroline Marion LL. M., D. Fisc., Pl. Fin. Gestionnaire fiduciaire Services fiduciaires aux particuliers, Fiducie Desjardins Étude de cas Simone a subi un accident vasculaire cérébral (AVC) alors qu'elle était âgée de 77 ans. L'AVC l'a laissée inapte : partiellement paralysée et pratiquement aveugle, elle souffre aussi de troubles cognitifs graves. Elle vit dans un centre d'hébergement de soins de longue durée (CHSLD). Puisque son mandat de protection n'avait pas été révisé après le décès de son époux, il n'a pas pu être homologué, faute de mandataire remplaçant. De plus, comme elle a conservé quelques capacités résiduelles (elle peut encore se nourrir et s'habiller seule et elle reconnaît encore ses proches), sa condition militait en faveur de l'ouverture d'un régime de tutelle au majeur. C'est à sa demande que sa fille Sylvie a été nommée tutrice à la personne et son fils Sébastien, tuteur aux biens. Cinq ans après l'accident, Simone compose beaucoup mieux avec ses difficultés, de sorte que Sylvie voudrait maintenant modifier son milieu de vie. Elle souhaiterait que sa mère soit hébergée dans un endroit plus luxueux et confortable, lui permettant des activités plus variées, mais Sébastien s'y oppose en raison des coûts. Simone en aurait manifestement les moyens, mais il juge que ce n'est pas nécessaire de dilapider le capital qui leur reviendra au décès, d'autant plus que leur mère n'a pas vraiment conscience du milieu dans lequel elle est hébergée. Sylvie voudrait aussi prendre des préarrangements funéraires pour leur mère, pour éviter d'être prise par les émotions et dépenser encore plus lorsque surviendra le décès. Comme il s'agit d'une démarche qui entraîne des coûts, elle ne sait pas qui de son frère ou d'elle peut prendre cette décision. Leurs divergences d'opinions commencent à causer des conflits et Sylvie consulte son planificateur financier pour y voir plus clair. Comment savoir qui fait quoi ? La question de Sylvie est légitime et revient assez fréquemment lorsque les tâches de tuteur aux biens ou à la personne ou de mandataire aux biens et à la personne sont confiées à des personnes distinctes. On dit alors qu'il y a « division » de la charge. Or, plusieurs des décisions à prendre dans l'exercice de ces charges sont intrinsèquement interreliées. Étonnamment, il n'existe à notre connaissance que très peu de littérature 1 pouvant aider les protagonistes à bien départager leurs rôles et responsabilités. Le Code civil du Québec 2 prévoit quelques d i s p o s i t i o n s v i s a n t à c e r n e r l e s r ô l e s e t responsabilités de chacun. En ce qui concerne le tuteur aux biens : • D'abord, il est permis de nommer plusieurs tuteurs aux biens 3 . • L e t u te u r a u x b i e n s e s t re s p o n s a b l e d e l'administration des biens 4 . • Une personne morale peut agir comme tuteur aux biens si elle y est autorisée par la loi 5 . • Le tuteur agit à l'égard des biens à titre d ' a d m i n i s t r a t e u r c h a r g é d e l a s i m p l e administration 6 . • Pour poser certains gestes (contracter un emprunt important eu égard au patrimoine du pupille, grever un bien d'une sûreté, aliéner un bien important à caractère familial, un immeuble ou une entreprise, ou provoquer le partage définitif des immeubles d'un pupille indivisaire 7 ), le tuteur aux biens doit y être autorisé par le conseil de tutelle ou, si la valeur du bien ou de la sûreté excède 25 000 $ 8 , par le tribunal, qui sollicite l'avis du conseil de tutelle. 1 Voir notamment : Alain ROY et Michel BEAUCHAMP, Les Régimes de protection du majeur inapte, coll. Répertoire de droit/Nouvelle série, Montréal, Chambre des notaires du Québec, 2015, p. 32 à 45, par. 140 à 206 ; en ligne : . 2 L.Q. 1991, c. 64 (ci-après « C.c.Q. »). 3 Art. 187 C.c.Q. 4 Art. 188 C.c.Q. 5 Art. 189 C.c.Q. 6 Art. 208, 286 et 1339 à 1344 C.c.Q. 7 Aux les fins du présent texte, « pupille » fait référence à la personne dont on est le tuteur. Cela permet d'éviter d'alourdir le texte en indiquant partout le majeur protégé et/ou le mineur. Quant au terme « indivisaire », il est utilisé dans le Code civil du Québec pour faire référence à la personne qui détient une quote-part d'un bien dans le contexte d'une copropriété indivise. Ainsi, si une personne hérite en copropriété indivise d'un terrain avec ses frères et sœurs et qu'elle devient inapte, le tuteur devra obtenir l'autorisation du tribunal pour provoquer le partage définitif de cette indivision, par exemple en divisant le terrain pour que chacun des indivisaires se retrouve avec un terrain dont il est seul propriétaire. 8 Art. 213 C.c.Q. Ce montant passera à 40 000 $ lors de l'entrée en vigueur des dispositions de la Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes, L.Q. 2020, c. 11.

Articles in this issue

Links on this page

Archives of this issue

view archives of La Cible - Aout 2021