La Cible

Octobre 2020

La Cible, magazine officiel de l’IQPF, est destinée aux planificateurs financiers et leur permet d’obtenir des unités de formation continue (UFC). Chaque numéro aborde une étude de cas touchant les différents domaines de la planification financière.

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14 lacible | Octobre 2020 SUCCESSION LA FIDUCIE OPAQUE : OU COMMENT CERTAINS FONT INDIRECTEMENT CE QU'ILS NE PEUVENT FAIRE DIRECTEMENT… Caroline Marion Notaire, LL. M., D. Fisc., Pl. Fin. Conseillère senior Trust Banque Nationale Dans un article paru dans La Cible d'octobre 2019, nous abordions la façon de planifier pour préserver, en toute légalité, les prestations de solidarité sociale pour un enfant handicapé 1 . Il nous était alors apparu essentiel de souligner d'abord que la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles 2 prévoit le versement de prestations d'aide financière de dernier recours aux personnes qui présentent des contraintes sévères à l'emploi. Nous avions aussi tenu à rappeler que des amendes sévères sont prévues tant pour une personne prestataire qui enfreindrait les règles relatives à la divulgation complète de ses avoirs ou d'un changement à sa situation que pour toute personne qui aide, encourage, conseille ou amène une autre personne à commettre une infraction visée par la Loi 3 . Il est donc peu étonnant que nous ayons délibérément choisi de ne pas aborder d'autres façons de parvenir aux mêmes fins qui nous apparaissaient beaucoup plus risquées et même, dans certains cas, tout à fait contraires aux dispositions de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, sinon à la lettre, du moins à l'esprit. Le planificateur financier, comme de nombreux autres professionnels qui exercent en planification successorale, est régi par un code de déontologie 4 et à ce titre, il doit agir avec intégrité et probité 5 . Il doit conseiller ses clients avec compétence 6 et éviter de leur recommander des stratégies qui pourraient avoir des conséquences incertaines ou désastreuses sans leur avoir pleinement présenté ces inconvénients. C'est en ayant ces règles d'éthique professionnelle à l'esprit que nous allons discuter de stratégies utilisant la fiducie testamentaire que nous allons qualifier « d'opaque » afin de préserver l'admissibilité d'un prestataire aux prestations de solidarité sociale, tout en lui attribuant un héritage significatif. Il existe assurément de multiples versions ou variantes de ces fiducies, mais nous allons nous concentrer sur deux exemples qui nous ont déjà été présentés en pratique. La première stratégie consiste à créer dans le testament de l'auteur une fiducie testamentaire complètement discrétionnaire au seul bénéfice d'un enfant prestataire de la solidarité sociale, du moins tant que ce prestataire sera en vie. Les termes de l'acte de fiducie ne doivent prévoir aucune remise de revenus. Les revenus devront donc être capitalisés annuellement et, puisqu'ils ne sont ni payés, ni payables au bénéficiaire, ils devront être imposés dans la fiducie 7 . Les remises de capital devront être complètement discrétionnaires et, idéalement, ne pas être uniformes ou répétitives et ne pas passer par le compte bancaire du bénéficiaire. En d'autres termes, plutôt que de verser des sommes au bénéficiaire, les fiduciaires devraient payer pour lui certaines dépenses, directement au fournisseur, marchand ou autre. Par exemple, les fiduciaires pourraient payer au bénéficiaire un camp de vacances, un voyage, des équipements médicaux, des vêtements, des meubles, etc. La fiducie discrétionnaire s'avère ainsi complètement opaque pour les autorités gouvernementales responsables des prestations de solidarité sociale. Le bénéficiaire n'est pas imposable sur les revenus, les versements de capital ne transitent pas par son compte bancaire et les fiduciaires prendront soin de ne pas dépasser les limites quant à la valeur des biens que peut posséder le bénéficiaire 8 . En fait, cette fiducie permet essentiellement de reproduire après le décès l'assistance qu'apportait le parent à son enfant sans affecter ses prestations, c'est-à- dire de lui offrir des cadeaux avec de l'argent après impôt. En ce qui concerne l'imposition de la fiducie, depuis le 1 er janvier 2016, les revenus imposés au niveau 1 Caroline MARION, « Planifier pour préserver les prestations de solidarité sociale », Chronique Succession, La Cible, octobre 2019, p. 16-17. 2 Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, RLRQ, c. A-13.1.1 (ci-après « L.A.P.F. »). 3 Art. 126 et 129 L.A.P.F. 4 Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, RLRQ, c. D-9.2, r. 3, art. 2. 5 Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, RLRQ, c. D-9.2, r. 3, art. 11 et 12. 6 Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, RLRQ, c. D-9.2, r. 3, art. 12 à 15. 7 Par. 104(6) et 104(13) a contrario de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada, L.R.C. (1985), 2 e suppl., ch. 1 et ses modifications (ci-après « LIR »). Dans le cadre du présent texte, toute référence à une disposition de la loi fédérale fait aussi référence aux articles correspondants de la Loi sur les impôts, RLRQ, c. I-3 et ses modifications (ci-après « L.I. »), qui sont généralement harmonisés, à moins d'indication contraire. 8 Voir l'énumération dans notre texte de La Cible d'octobre 2019 : Caroline MARION, « Planifier pour préserver les prestations de solidarité sociale », Chronique Succession, La Cible, octobre 2019, p. 16-17.

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