La Cible, magazine officiel de l’IQPF, est destinée aux planificateurs financiers et leur permet d’obtenir des unités de formation continue (UFC). Chaque numéro aborde une étude de cas touchant les différents domaines de la planification financière.
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lacible | Août 2020
SUCCESSION
LES ALÉAS DES
PROCURATIONS
Caroline Marion
Notaire, LL. M., D. Fisc., Pl. Fin.
Conseillère senior
Trust Banque Nationale
Étude de cas
Paul-Émile, récemment devenu veuf, est encore
autonome, mais il habite seul et la pandémie l'a
confiné à domicile en raison des risques reliés à
son âge. Comme bien d'autres personnes dans sa
situation, la pandémie lui a fait prendre conscience
de l'utilité de confier une procuration à sa fille pour lui
permettre de réaliser à sa place certaines opérations
courantes de la vie quotidienne. Mais voilà : alors
qu'il pensait que confier une procuration serait aussi
simple que de signer un formulaire auprès de son
institution financière, une recherche dans Internet lui
a fait réaliser que ce document n'est pas aussi anodin
qu'il en a l'air
1
… Il consulte donc son planificateur
financier pour le questionner sur les distinctions
entre la procuration bancaire, la procuration générale
bancaire et la procuration spécifique ou générale
notariée et pour l'aider à déterminer laquelle lui serait
la plus utile dans les circonstances.
Le Code civil du Québec définit le mandat comme
étant « le contrat par lequel une personne, le
mandant, donne le pouvoir de la représenter dans
l'accomplissement d'un acte juridique avec un tiers,
à une autre personne, le mandataire qui, par le fait
de son acceptation, s'oblige à l'exercer. Ce pouvoir
et, le cas échéant, l'écrit qui le constate, s'appellent
aussi procuration
2
». Les termes « mandat » et
« procuration » sont donc synonymes et visent tant
le pouvoir de représentation confié au mandataire
(ou au procureur) que le document écrit par lequel
ce pouvoir est confié.
Le Code civil du Québec qualifie deux types de
mandats. Le mandat spécial vise une ou des
affaires particulières, alors que le mandat général
vise « toutes les affaires du mandant »
3
. Dans le
jargon populaire, on parle souvent de procuration
« spécifique » ou de procuration générale. Mais là
encore, sur le terrain, ces termes se confondent.
En effet, au niveau bancaire, les institutions
financières utilisent la procuration bancaire simple
et la procuration bancaire générale. Dans les deux
cas, il s'agit de procurations qui, juridiquement
parlant, sont des procurations spécifiques. On
distingue cependant la première, la procuration
bancaire simple, comme étant celle permettant
de faire des dépôts et des retraits du compte du
mandant, de signer des chèques, de demander des
relevés de compte, mais sans plus. La seconde, la
procuration bancaire générale, permet quant à elle
de modifier les comptes et placements du mandant,
de fermer ou d'ouvrir des comptes, bref, elle vise
« toutes » les opérations que peut faire le mandant
avec l'institution financière, d'où sa qualification de
« générale ». Cela dit, malgré la portée très étendue
de ce document, il demeure applicable uniquement
à l'égard d'un seul tiers, l'institution financière. Il
ne s'agit donc pas d'une procuration générale au
sens juridique, qui permettrait au mandataire de
transiger avec les autorités fiscales, d'aller prendre
livraison d'un colis à la poste ou encore de vendre
le véhicule automobile du mandant, en plus de faire
toutes les transactions que permet une procuration
bancaire générale, mais avec n'importe quelle
institution financière. Bref, la procuration générale
au sens juridique permet de transiger avec tous les
tiers, pas seulement l'institution financière.
La procuration générale est donc un document
à p o r t é e b e a u co u p p l u s l a rg e q u i p e r m e t
essentiellement au mandataire de poser, en lieu
et place du mandant, tous les gestes que ce
dernier pourrait poser par lui-même. Cependant,
contrairement au mandat de protection où le
mandataire remplace le mandant dans l'exercice
de ses droits, la procuration générale n'empêche
pas le mandant d'agir, elle ne fait que lui ajouter
un « clone » qui peut poser tous ces gestes à sa
place, au besoin.
La procuration générale ou spéciale n'est pas
obligatoirement notariée. En fait, puisque le Code
civil du Québec ne prescrit aucune forme, le mandat
pourrait même être verbal. Cependant, pour en
faciliter la preuve, l'acte notarié, qui est un acte
authentique
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, constitue la meilleure option. En effet,
le Code civil prévoit que les énonciations des faits
1 En ligne :