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lacible | Octobre 2019
SUCCESSION
PLANIFIER POUR
PRÉSERVER LES
PRESTATIONS DE
SOLIDARITÉ SOCIALE
Caroline Marion
Notaire, LL. M., D. Fisc., Pl. Fin.
Conseillère senior
Trust Banque Nationale
Étude de cas
Wendi se questionne à juste titre sur l'impact
que l'héritage de sa mère pourrait avoir sur
les prestations de solidarité sociale de son fils
Auguste. Elle aimerait aussi s'assurer que sa propre
succession, en temps et lieu, n'aura pas d'impacts
négatifs sur ces prestations.
Ce questionnement, commun à plusieurs parents
de personnes inaptes ou handicapées, découle
souvent non pas de la crainte de perdre les
montants mensuels, lesquels s'élèvent à 978 $
au 1
er
janvier 2019, mais surtout de la peur de
perdre tous les services d'encadrement médical et
psychosocial dont peut bénéficier un prestataire
qui présente des contraintes sévères à l'emploi.
La Loi sur l'aide aux personnes et aux familles
1
a pour but de mettre en place des mesures,
programmes et services afin d'accompagner les
personnes dans leurs démarches vers l'atteinte
et le maintien de leur autonomie économique et
sociale. La Loi chapeaute deux programmes : le
programme d'aide sociale et le programme de
solidarité sociale. La principale distinction entre
les deux programmes est que le programme de
solidarité sociale vise à accorder une aide financière
de dernier recours à des personnes qui présentent
des contraintes sévères à l'emploi.
L'adulte qui a des contraintes sévères à l'emploi
doit présenter avec sa demande d'aide un rapport
médical attestant de ces contraintes
2
. S'il n'a pas
la capacité de présenter la demande, celle-ci peut
être présentée en son nom par une personne
responsable
3
. De plus, si l'adulte n'a pas la capacité
d'administrer l'aide financière qui lui est accordée,
le ministre peut la verser à une autre personne, qui
devra alors lui faire rapport de son administration
4
.
Une fois la demande présentée, c'est la responsabilité
de l'adulte qui perçoit des prestations d'aviser avec
diligence le ministre de tout changement
5
. Ainsi,
l'adulte doit déclarer tout changement dans sa
situation ou celle de sa famille qui serait de nature à
influer sur son admissibilité à une aide financière ou
sur le montant de l'aide financière accordée
6
.
Les prestations d'aide ou de solidarité sociale sont
calculées en vertu de l'article 55 L.A.P.F., qui exige
de réduire la prestation de base, notamment : des
avoirs liquides, des biens et des revenus que l'adulte
ou sa famille possède, pour chaque mois, au dernier
jour du mois précédent. La Loi prévoit en outre que
les prestataires sont tenus d'exercer leurs droits
7
et
seront pénalisés s'ils ont dilapidé leurs biens dans
les deux ans précédant la demande
8
.
Enfin, selon les articles 72 et 133 L.A.P.F., le
gouvernement peut, par règlement, prévoir des
règles assouplies pour les prestataires de solidarité
sociale quant :
• à la possession de biens, d'avoirs liquides, de
sommes versées dans un régime de retraite ou
d'actifs reçus par succession ;
• aux revenus tirés d'actifs reçus par succession
(ajout de 2016) ;
• aux conditions d'admissibilité à certaines
prestations spéciales.
En conséquence, le gouvernement a prévu
par règlement des exclusions spécifiques au
programme de solidarité sociale, soit :
• selon l'article 163 R.A.P.F., les montants d'avoirs
liquides permis passent de 1 500 $ à 2 500 $
pour une personne seule et de 2 500 $ à
5 000 $ pour une famille ;
• selon l'article 164 R.A.P.F., malgré les articles 141
et 147, la détention de certains avoirs liquides
et de certains biens est permise jusqu'à
concurrence d'un montant total de 221 716 $
(au 1
er
janvier 2019) ;
1 Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, RLRQ, c. A-13.1.1 (ci-après « L.A.P.F. »).
2 Art. 31 et 70 L.A.P.F.
3 Art. 30 L.A.P.F. et art. 27 du Règlement sur l'aide aux personnes et aux familles,
RLRQ, c. A-13.1.1, r. 1. (ci-après « R.A.P.F. »).
4 Art. 34 L.A.P.F. et art. 33 à 39 R.A.P.F.
5 Art. 36 L.A.P.F.
6 Voir en ligne : .
7 Art. 63 L.A.P.F., par exemple, s'ils avaient la possibilité de bénéficier d'une
pension alimentaire ou encore d'une distribution provenant d'une fiducie
familiale ou testamentaire.
8 Art. 65 L.A.P.F.