La Cible, magazine officiel de l’IQPF, est destinée aux planificateurs financiers et leur permet d’obtenir des unités de formation continue (UFC). Chaque numéro aborde une étude de cas touchant les différents domaines de la planification financière.
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lacible | Octobre 2018
SUCCESSION
COMMENT TENIR COMPTE
DES IMPÔTS LATENTS
DANS L'ÉTABLISSEMENT
DES CRÉANCES
MATRIMONIALES ?
Caroline Marion
LL. M., D. Fisc., Pl. Fin.
Conseillère senior
Trust Banque Nationale
Étude de cas
Ce n'est pas d'hier que les praticiens du droit se
questionnent à la fois sur la pertinence et sur la
façon de tenir compte des impôts latents dans
l'établissement des valeurs partageables des
créances matrimoniales. Il semble donc surprenant
que la question n'ait toujours pas été réglée de
façon définitive.
Les articles 417 et 418 du Code civil du Québec
1
permettent certaines soustractions de la juste
valeur marchande des biens composant le
patrimoine familial. La charge fiscale latente
équivaut-elle à une dette déductible au sens de
ces articles ?
Dans l'ouvrage Le patrimoine familial, perspectives
doctrinales et jurisprudentielles, les auteurs Pierre
Ciotola et Martine Lachance argumentent que
du point de vue strict du droit civil, les charges
fiscales ne doivent pas entrer en ligne de compte
2
!
Ils reconnaissent cependant que tant la doctrine
que la jurisprudence se sont montrées favorables
à considérer les incidences fiscales, tant dans
l'évaluation des biens que dans les modalités de
paiement de la créance
3
.
Il suffit d'imaginer le scénario suivant pour se
convaincre de l'importance de tenir compte de la
charge fiscale. Supposons que Monsieur est seul
propriétaire d'une résidence familiale d'une valeur
marchande de 300 000 $, entièrement acquise
pendant le mariage et dont l'hypothèque a été
remboursée. De son côté, Madame détient des
placements dans un REER d'une valeur marchande
de 300 000 $. S'il s'agissait des seuls biens détenus
par le couple et composant leur patrimoine familial,
le fait de ne pas considérer les impôts latents sur
les placements REER à l'étape de l'établissement
de la valeur partageable ferait en sorte qu'aucune
créance ne résulterait du partage. Un tel résultat
serait-il équitable ? Certainement pas.
Or, si l'on doit considérer les impôts latents, se pose
la sempiternelle question du taux d'imposition qui
doit être utilisé. Doit-on considérer un taux unique
ou un taux variant selon la situation de chaque
conjoint ? Un taux marginal maximum ou un taux
moyen ? La réponse à cette question n'est pas
simple. Plus le taux d'imposition utilisé est élevé,
plus la valeur partageable diminue. De notre
point de vue, peu importe le taux utilisé, il sera
nécessairement inexact et favorisera une partie par
rapport à l'autre. C'est pourquoi, à notre avis, une
façon réaliste de prendre en considération la charge
fiscale sur les biens sujets au partage consiste à
procéder au partage de la façon proposée dans
le formulaire « Calcul de l'état du patrimoine
familial » accessible dans le site Internet de la Cour
supérieure du Québec
4
. Ce formulaire exige que
l'on partage le patrimoine familial en deux temps :
on établit d'abord la valeur partageable des biens
meubles et immeubles, puis celle des régimes de
retraite. La grille de calcul suivante s'inspire de ce
formulaire :
1 Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64 (ci-après « C.c.Q. »).
2 Pierre CIOTOLA, Le patrimoine familial, perspectives doctrinales et
jurisprudentielles, 3
e
éd. révisée par Martine Lachance, coll. Répertoire de
droit/Nouvelle série, Montréal, Chambre des notaires du Québec/Wilson &
Lafleur, 2014, par. 145.
3 Ibid., par. 146 à 146.9.
4 Ce formulaire est prescrit par le Règlement de procédure en matière familiale,
RLRQ, c. C-25.01, r. 6, à moins qu'il n'y ait entente entre les parties :