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SUCCESSION
Les conjoints pourront envisager de payer la
créance relative aux biens meubles et immeubles
à même des biens non enregistrés et de payer
la créance relative aux biens enregistrés avec
des biens enregistrés. En effet, tous savent que
10 000 $ de placements REER n'équivalent pas
à 10 000 $ dans un compte en banque. Aussi,
lorsque les conjoints possèdent plus d'un immeuble
admissible au choix fiscal de résidence principale,
il sera possible de procéder à une entente sur le
partage du nombre d'années de propriété, en
tentant de favoriser la résidence qui a le plus de
gain accumulé par année de propriété.
Il n'est certainement pas toujours possible de
procéder ainsi, mais dans les cas où c'est possible,
cette solution permet d'éviter l'utilisation de taux
d'imposition « théoriques » qui pourraient ne pas
refléter la réalité lors de l'imposition réelle des biens
sujets à imposition.
Dans l'exemple précédent, on arriverait à un
résultat où Monsieur doit 150 000 $ en biens non
enregistrés à Madame et Madame doit 150 000 $
en biens enregistrés à Monsieur, ce qui nous semble
beaucoup plus équitable.
Étonnamment, le formulaire pour établir le partage
des biens de la société d'acquêts du site internet
de la Cour supérieure
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ne fait pas état d'un partage
distinct entre les biens comportant une charge
fiscale latente, tels les placements non enregistrés
et les immeubles, et ceux qui n'en auraient pas,
tels les certificats de dépôt, les comptes bancaires
ou les véhicules récréatifs. Cependant, là aussi, les
tribunaux
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comme les auteurs
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semblent favorables
à un partage par catégorie de biens, ce qui éviterait
le recours à un taux d'imposition théorique.
C'est d'ailleurs de cette façon que le notaire a
procédé au partage des biens qui composaient le
patrimoine familial de Luc et d'Érika. La créance en
biens enregistrés due par la succession a ensuite
été payée par un transfert de placements REER,
alors que celle en biens non enregistrés résultant du
partage de la société d'acquêts a été payée par un
transfert de placements CELI. Cette solution nous
semble optimale puisqu'elle tient compte des impôts
latents. Quant au transfert des placements CELI,
c'est une bonne solution parce que seule la conjointe
survivante pouvait bénéficier de l'augmentation
permanente des droits de cotisation permise par
un tel transfert sous forme de cotisation exclue.
Enfin, pour répondre au questionnement de
Joséphine quant au partage inéquitable des valeurs
successorales, le fait que le calcul et le paiement
des créances matrimoniales interviennent avant
le partage de la succession aux héritiers explique
pourquoi Érika a reçu plus que le tiers prévu par les
règles régissant les successions sans testament
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. La
situation aurait été inversée si c'est Érika qui avait
été débitrice envers la succession, puisqu'elle aurait
alors reçu moins que le tiers auquel elle aurait pu
prétendre.
5 .
6 B. (P.) c. S. (B.), 2002 CanLII 40527, REJB 2002-32089 (C.S.).
7 Jocelyne JARRY, Barreau du Québec, Collection de droit 2017-2018, Vol. 4 -
Droit de la famille, Titre I - Le droit familial, Chapitre VIII - La société d'acquêts,
Montréal, Éditions Yvon Blais, 2017, p. 347-392.
8 Art. 666 C.c.Q.