La Cible, magazine officiel de l’IQPF, est destinée aux planificateurs financiers et leur permet d’obtenir des unités de formation continue (UFC). Chaque numéro aborde une étude de cas touchant les différents domaines de la planification financière.
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14 lacible | Mai 2017 SUCCESSION L'ADMINISTRATION PROLONGÉE Caroline Marion Notaire, D. Fisc., Pl. Fin. Expert-conseil fiscal Trust Banque Nationale Étude de cas Anne n'est pas enchantée de discuter de planification successorale parce que d'après tout ce qu'elle lit, la fiducie testamentaire semble nécessaire lorsqu'il s'agit de léguer des biens à un enfant mineur. Or, avec ce que vit sa mère depuis le décès de son père, la fiducie testamentaire ne lui sourit pas. En fait, il existe essentiellement deux façons d'utiliser un testament pour confier à un tiers l'administration des biens qu'on entend léguer à un enfant mineur jusqu'à l'âge de la majorité ou au-delà : la clause testamentaire d'administration prolongée et la fiducie testamentaire. Ces méthodes ne répondent pas aux mêmes besoins et, dans certains cas, n'entraînent pas les mêmes conséquences fiscales. Selon le professeur Jacques Beaulne 1 , il existe deux façons de mettre en place un régime d'administration prolongée, qu'il désigne sous les vocables de « liquidation successorale prolongée » ou de « régime autonome d'administration ». Régime de liquidation successorale prolongée Ce type de régime se manifeste le plus souvent sous forme d'un pouvoir confié aux liquidateurs dans un testament. On leur permet de conserver entre leurs mains, pour l'administrer, la part des légataires ou bénéficiaires mineurs ou légalement inaptes avec les mêmes pouvoirs que ceux confiés au testament, jusqu'à ce que l'incapacité cesse. Ce pouvoir tire sa source du libellé des articles 210, 266 al. 1, 837 et 2168 al. 1 du Code civil du Québec 2 . À l'opposé, lorsque les biens sont légués en fiducie testamentaire, les articles 210 et 837 C.c.Q. ne trouvent pas application. D'abord, parce que les biens ne sont pas légués au mineur ou au majeur protégé, ils sont légués à la fiducie, qui constitue un patrimoine autonome et distinct de celui du constituant, du fiduciaire et du bénéficiaire (art. 1261 C.c.Q.). Ensuite, parce qu'il n'y a pas report du partage successoral ou extension de la saisine du liquidateur. Ce dernier, une fois les étapes de la liquidation accomplies, remettra les biens au fiduciaire (qui peut être la même personne) afin qu'ils soient administrés selon les paramètres de cette nouvelle entité. Le recours à l'administration prolongée suppose plutôt que la liquidation de la succession se poursuit pendant un temps déterminé puisque le partage est reporté par le testateur. La période de liquidation de la succession peut ainsi se retrouver prolongée de plusieurs années avec des conséquences négatives possibles sur la responsabilité personnelle des héritiers et du liquidateur. En effet, l'article 816 C.c.Q. prévoit que les créanciers et légataires particuliers n'ont aucun recours s'ils se présentent après l'expiration d'un délai de trois ans depuis la décharge du liquidateur. Or, si le liquidateur n'est déchargé qu'à la fin de cette administration, les créanciers et légataires à titre particulier jouissent d'un délai supplémentaire pour exercer leurs recours… Ensuite, on conçoit aisément que le Code civil permette que l'on confie à un tiers l'administration des biens d'une personne qui n'a autrement pas le pouvoir d'administration sur ses biens, comme c'est le cas d'un légataire mineur ou inapte. Par contre, certains juristes, inspirés par le libellé des clauses usuelles, en ont étendu la portée au-delà de l'âge de la majorité ou de la situation d'inaptitude. Dans ces cas, certains auteurs ont contesté la validité d'une telle restriction aux droits et libertés de l'adulte majeur et apte et la véritable nature du legs. Quant aux tribunaux, ils ont eu tendance à y voir soit une fiducie testamentaire 3 , soit un legs en pleine propriété, sujet à un partage différé 4 . Dans aucun cas les juges n'ont remis en question la validité d'une telle clause. 1 Jacques BEAULNE, « Étude de quatre "ions" en droit des successions : donation, représentation, contribution et administration », 2010 1 C.P. du N. 27-61. 2 L.Q. 1991, c. 64 (ci-après « C.c.Q. »). 3 Voir notamment : Allaire (Succession de) c. Allaire, REJB 2003-37860 (C.S.) , Galipeau c. Veilleux, EYB 2005-85582 (C.Q.) et Re W. (C.) (Succession de), 2006 QCCS 5203, EYB 2006-111033. 4 Succession Feu Laval Caron (9 mai 2006), Montréal, nº 500-17-030001-062 (C.S.) ; Philion c. Demers, 2006 QCCS 4935, EYB 2006-109326 et Lorrain (Succession de) c. Lorrain, 2008 QCCA 1914, [2008] R.J.Q. 2289, EYB 2008-148774.