La Cible, magazine officiel de l’IQPF, est destinée aux planificateurs financiers et leur permet d’obtenir des unités de formation continue (UFC). Chaque numéro aborde une étude de cas touchant les différents domaines de la planification financière.
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16 lacible | Août 2016 PLACEMENTS ÉPARGNER POUR LA RETRAITE QUAND LES TAUX SONT BAS Claude Chauret D.D.N., LL.L., M. Fisc., Pl. Fin., CIM Étude de cas Édith, qui rêve d'être éducatrice spécialisée dans une école secondaire, doit pour le moment se passer des avantages du Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP) et se contenter d'épargner pour sa retraite dans un régime enregistré (REER, CRI, REER immobilisé). Avec les bas taux d'intérêt actuels, elle craint de ne pas parvenir à économiser suffisamment. Quel niveau d'épargne annuelle et quelle allocation d'actifs devrait-elle adopter afin de vivre une retraite au moins équivalente à celle d'une éducatrice spécialisée ? Quelle portion de son portefeuille Édith devrait-elle investir en revenu fixe ? Naturellement, si sa planificatrice financière savait que les taux d'intérêt monteront à 8 %, elle pourrait lui dire d'attendre un peu et que ses placements rapporteront davantage, avec très peu de risques. Pendant cette remontée, la durée de son portefeuille ne devrait pas être trop longue pour réduire la perte. Pas facile, le « market timing »… Malheureusement, personne ne sait quelle direction prendront les taux d'intérêt. Même les experts ne le savent pas. Une étude de deux chercheurs de la North Carolina State University indiquait qu'aucun des experts du Wall Street Journal ne pouvait prédire les changements de direction des taux d'intérêt mieux que la chance 1 . Mais les taux actuels sont tellement bas que la logique veut qu'ils remontent un jour ou l'autre. La question est de savoir jusqu'où ils remonteront. Si on regarde l'évolution des taux d'intérêt aux États- Unis, non pas sur cinq ans, dix ans ou vingt ans, mais plutôt sur deux cents ans, on remarque une constante. À part la période du début des années 80 où les taux ont atteint des sommets faramineux, les taux d'intérêt se sont baladés dans une fourchette située entre 3 % et 4 %, le rendement réel variant selon le niveau d'inflation. Il est vrai que depuis plusieurs années, les taux d'intérêt n'ont qu'une seule direction : vers le bas. Par conséquent, la valeur des obligations n'a fait qu'augmenter. Les fonds d'obligations ont donc connu un bon succès. Idem pour les fonds équilibrés dont le portefeuille était constitué à 50 % d'obligations. À l'heure actuelle, les fonds d'obligations ont de la difficulté. Ce n'est pas la Bérézina 2 , mais ce n'est pas l'allégresse non plus, loin de là. Certains diront que ce n'est pas très joli pour les fonds d'actions au début 2016, mais si le passé est garant de l'avenir, ce sur quoi Warren Buffett mise toujours, le marché des actions finira par se rétablir. D'un autre côté, en mai dernier le McKinsey Global Institute publiait un rapport qui prédit une baisse importante dans les rendements des années futures 3 . Quant à moi, je ne suis pas convaincu que dans les années à venir, le marché obligataire connaîtra le même succès qu'au cours de la dernière décennie. On dit souvent qu'il faut détenir des obligations pour réduire le risque dans un portefeuille. En fait, lorsqu'on parle de réduction du risque, on parle souvent de réduction de la volatilité et les obligations réduisent la volatilité, mais pas nécessairement le risque. Pour ma part, je préférerais avoir un portefeuille avec de la volatilité qui fait un gain plutôt que d'avoir à expliquer à Édith que son portefeuille s'en va tranquillement, mais sans volatilité, vers une perte. Selon moi, au cours de la prochaine décennie, nous risquons de voir l'inverse de ce qui s'est produit lors de la dernière décennie. Peut-être ne faudra- t-il pas trop mettre l'accent sur les obligations. En fait, je crois que les obligations risquent d'être plus dangereuses qu'auparavant. Je n'aime pas 1 KARLYN MITCHELL et DOUGLAS K. PEARCE, « Professional forecasts of interest rates and exchange rates: Evidence from the Wall Street Journal's panel of economist », (2007) 29(4) Journal of Macroeconomics 850-854. 2 Déroute complète. L'expression fait référence à la déroute de l'armée napoléonienne en 1812. 3 McKINSAY GLOBAL INSTITUTE, Diminishing Returns: Why Investors May Need to Lower their Expectations, mai 2016.