La Cible, magazine officiel de l’IQPF, est destinée aux planificateurs financiers et leur permet d’obtenir des unités de formation continue (UFC). Chaque numéro aborde une étude de cas touchant les différents domaines de la planification financière.
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14 lacible | Mai 2016 SUCCESSION INAPTITUDE ET RETRAITE Robert Laniel Notaire, DESS Comm., Pl. Fin., DESS Fisc., TEP Conseiller en planification successorale et testamentaire, Services de gestion de patrimoine RBC Dominion valeurs mobilières Inc. Étude de cas E n p r é v i s i o n d ' u n e i n a p t i t u d e , u n a s p e c t préoccupant, outre son propre bien-être, est bien entendu celui de son conjoint. Quels sont les droits d'un conjoint marié advenant l'inaptitude de son conjoint ? Qu'en est-il lorsque nous avons affaire à des conjoints de fait ? Le Code civil du Québec prévoit que les époux et conjoints unis civilement, ainsi que les parents en ligne directe au premier degré, ont entre eux une obligation alimentaire. Cependant, pour le moment, le Code civil n'impose aucune obligation alimentaire entre les conjoints de fait. Le droit civil contient beaucoup de zones grises lorsqu'il s'agit d'obligations alimentaires. Elles sont reliées à un niveau de vie, à une capacité de payer et à une pratique établie. Toutefois, l'inaptitude peut venir perturber l'apport de revenus, compromettre les moyens financiers d'un individu, et même occasionner des dépenses supplémentaires qui n'ont pas nécessairement été budgétées. Il est préférable de prendre les devants pour éviter que la tâche de quantifier l'obligation alimentaire soit confiée au tribunal. Un moyen d'agir mis à notre disposition en droit québécois est le mandat en cas d'inaptitude, lequel pourrait prévoir la possibilité pour le mandataire d'utiliser les biens de la personne inapte afin de pourvoir aux besoins du conjoint ou d'autres personnes ayant une dépendance financière envers le mandant. Sans un tel mandat, la situation peut être compliquée. Examinons un jugement récent 1 qui a autorisé un tuteur à continuer de verser une pension alimentaire que son pupille, père de deux enfants majeurs dans le besoin, leur versait depuis longtemps. Une fois le père devenu inapte, il a fallu démontrer au tribunal que les enfants étaient dans le besoin. En effet, le fils souffrait d'obésité morbide et n'avait pas mis les pieds à l'extérieur de la maison de son père, qu'il habitait gratuitement, depuis deux ans. De son côté, la fille ne disposait que de la pension de l'État. Il a fallu également démontrer que le père disposait d'une fortune lui permettant de subvenir tant à ses propres besoins qu'à ceux de ses enfants. Finalement, on a prouvé que le père avait toujours subvenu à leurs besoins et que s'il avait été en mesure de donner un consentement éclairé, il aurait sûrement voulu continuer cette aide financière. Cette fois-ci la décision a été favorable aux enfants. Cependant, un autre juge aurait très bien pu décider autrement. La démonstration requise a été très lourde et nous avons affaire ici à une situation très particulière qui pourrait ne pas se répéter. Un mandat en cas d'inaptitude aurait grandement simplifié la situation. Le mandataire nommé peut agir légalement en lieu et place du mandant et exercer en toute matière, y compris tous choix fiscaux. Dans notre étude de cas, Léonien Bossé n'a pas de mandat en cas d'inaptitude et son état ne lui permet plus de donner un consentement éclairé. Comme il est marié avec Léonice, peut-on présumer que cette dernière pourrait continuer à habiter leur résidence, surtout si celle-ci est la propriété exclusive de Léonien ? On peut souhaiter que les paramètres des obligations alimentaires entre époux permettent de répondre affirmativement à cette question. Sans mandat en prévision de l'inaptitude, il faudra ouvrir un régime de protection pour Léonien. La curatelle convient à une personne totalement inapte, de façon permanente. Il faudra notamment ouvrir un dossier au tribunal, convoquer une assemblée des parents, alliés et amis du mandant en vue de choisir un curateur, interroger la personne inapte, former un conseil de tutelle et finalement, soumettre la requête au tribunal. La procédure sera beaucoup plus longue et coûteuse qu'une homologation de mandat. Le curateur, en cas d'inaptitude complète, dispose de pouvoirs de pleine administration, mais continuera toutefois d'être assujetti aux placements présumés sûrs. Le curateur agira comme représentant légal du mandant et les choix importants devraient ou pourront être soumis au conseil de tutelle. 1 Baillargeon c. A. (A.), EYB 2015-258974, 2015 QCCS 5431.