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RETRAITE
puisse se qualifier à titre de conjoint. Sébastien et
Stéphanie étant dans cette situation, il convient de
se demander, qu'entend-on exactement par « vie
maritale » ou « avoir résidé maritalement » ?
Po u r te n te r d e r é p o n d re à l a q u e st i o n , l e
planificateur financier revient à la définition de la
Loi RCR et fait appel à une cause portée au tribunal.
Concept de vie maritale : critères traditionnels
Il faut remarquer que la Loi RCR ne donne pas
de définition de ce qu'est la vie maritale. Pour
savoir exactement en quoi consiste la vie maritale,
il faut se tourner vers la jurisprudence. Celle-ci a
très longtemps retenu deux critères principaux
pour déterminer s'il y avait vie maritale entre deux
personnes disant former un couple : la cohabitation
et le secours mutuel. La jurisprudence a également
co n s i d é r é q u e l a co m m u n e re n o m m é e o u
représentation publique à titre de conjoints pouvait
constituer un critère accessoire, sans pour autant
que ce dernier critère soit déterminant.
Les tribunaux ont reconnu que la cohabitation ne
requiert pas que le couple vive continuellement
sous le même toit et qu'il faut plutôt considérer
ce critère en fonction des obligations et des
contingences de la vie moderne et particulières au
couple. La jurisprudence souligne aussi qu'une vie
maritale ne peut se concevoir sans une intention
de faire vie commune, laquelle se traduit par le
secours mutuel, c'est-à-dire le soutien affectif et le
partage des tâches et des responsabilités
1
.
Concept de vie maritale : jurisprudence récente
Dans l'affaire Comité de retraite du régime de
retraite du personnel de l'Université Laval c.
Marois
2
, s'appuyant principalement sur l'absence
de cohabitation, le Comité de retraite estimait
que M
me
Marois ne vivait pas maritalement avec le
participant, M. Leblanc, et a déposé une demande
en jugement déclaratoire cherchant à lui nier la
qualité de conjoint.
Dans son jugement rendu le 1
er
décembre 2016, le
juge Simon Ruel de la Cour supérieure du Québec
apporte certaines précisions concernant la notion
de « cohabitation ». Du même coup, la décision du
juge Ruel dans cette affaire ajoute de nouveaux
critères à prendre en considération pour déterminer
si une relation se qualifie ou non de vie maritale.
1 Auger c. Comité de retraite du régime de retraite de l'Université de Montréal, 2001
CanLII 24617 ; en ligne : .
2 Comité de retraite du régime de retraite du personnel de l'Université Laval c.
Marois, 2016 QCCS 5890, en ligne : .
P o u r l e j u g e R u e l , l a n o t i o n m o d e r n e d e
cohabitation ne signifie pas nécessairement le fait
d'avoir une résidence commune. Citant la Cour
suprême du Canada dans une autre affaire, le juge
Ruel indique ce qui suit (par. 66) :
[La « cohabitation »] n'est pas synonyme
de corésidence. Deux personnes peuvent
cohabiter même si elles ne vivent pas sous
le même toit et, inversement, elles peuvent
ne pas cohabiter au sens où il faut l'entendre
même si elles vivent sous le même toit.
Pour le juge Ruel, il faut plutôt retenir le concept
plus large de « communauté de vie », ou de
« projet commun de vie », comme idée à la base
de la vie maritale. Dans cette optique, l'évaluation
de la notion de vie maritale est une question de
contexte et le juge Ruel indique donc que, bien que
les trois critères fondamentaux de la cohabitation,
du soutien mutuel et de la représentation publique
restent pertinents, la décision de savoir si deux
personnes vivent maritalement devrait être basée
sur un ensemble plus large de facteurs contextuels.
Pour le juge Ruel, les différents facteurs à prendre
en considération incluent notamment (par. 68) :
1. l'existence d'un projet commun de vie
entre les parties ;
2. l'attachement, le soutien affectif et le
secours mutuel ;
3. la mise en commun ou le partage des
revenus, des actifs ou des dépenses ;
4. la cohabitation des parties ;
5. le partage d'intérêts communs, la vie
sociale, les loisirs et les sorties ;
6. la durée, la continuité et la stabilité de la
relation ;
7. la notoriété de la vie commune.
Finalement, le juge Ruel indique que même si la
cohabitation constitue un indice fort de la présence
d'une relation maritale, à son avis, aucun de ces
sept facteurs n'a préséance. Cependant, il doit
exister une preuve prépondérante d'un faisceau
suffisamment important d'éléments convergents
pour qu'une union puisse être qualifiée de maritale.
Ainsi, si le participant et son conjoint de fait ne
cohabitent pas depuis au moins trois ans, il
n'est pas nécessaire que les six autres facteurs
soient tous satisfaits, mais il faut alors qu'un
certain nombre de ceux-ci soient réunis pour
convaincre l'administrateur du régime de retraite
que le participant et son conjoint de fait vivent
maritalement depuis au moins trois ans.