La Cible

Mai 2019

La Cible, magazine officiel de l’IQPF, est destinée aux planificateurs financiers et leur permet d’obtenir des unités de formation continue (UFC). Chaque numéro aborde une étude de cas touchant les différents domaines de la planification financière.

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16 lacible | Mai 2019 SUCCESSION LA VRAIE NATURE JURIDIQUE DES COMPTES « IN TRUST » OU EN FIDÉICOMMIS Caroline Marion Notaire, D. Fisc., Pl. Fin. Conseillère senior Trust Banque Nationale Étude de cas Après avoir comblé le REEE de leur fils Marcus, Marcel et Marceline envisagent de mettre de l'argent de côté pour une mise de fonds sur sa première maison. Pour ce faire, ils ont pensé ouvrir un compte en fiducie (ou compte « in- trust ») auprès de leur institution financière. Ils s'interrogent toutefois sur la nature de ce compte et les implications d'y transférer des sommes qui pourraient devenir importantes. L'appellation « in trust », qui peut faire référence à la déclaration unilatérale de fiducie, un concept inconnu en droit civil mais courant en common law, apporte beaucoup de confusion dans l'esprit des gens. Elle laisserait entendre soit que l'on est en présence d'une fiducie au sens du Code civil du Québec 1 , soit que les sommes n'appartiennent plus à la personne qui les y dépose. Or, il n'en est rien, comme l'explique l'auteure Madeleine Cantin- Cumyn 2 : L'addition des mots in trust au nom d'une personne, telle qu'elle se pratique actuellement, peut avoir diverses explications. Le signataire in trust peut être un tuteur, un exécuteur testamentaire (sic), un mandataire, un fiduciaire ou tout autre attributaire de pouvoirs. On constate de plus que la mention est utilisée en dehors de ces cas d'administration du bien d'autrui, dans le simple but d'identifier, à l'intérieur du patrimoine, un sous-groupe de biens que leur titulaire destine à un usage spécifique. La diversité des circonstances dans lesquelles la mention in trust est couramment utilisée empêche d'y donner a priori un sens particulier. Ajoutée au nom d'une personne, la mention ne suffit pas à constituer une nouvelle qualité ; de même, elle ne modifie pas le statut juridique des biens qu'elle vise. (nos italiques en gras) Ainsi, le compte qu'ouvrirait le couple n'aurait pas pour effet de créer une fiducie au bénéfice de leur fils Marcus ou de lui transférer immédiatement la propriété des sommes. Cet argent continuerait d'appartenir aux conjoints, qui devraient s'imposer sur les rendements produits par les sommes investies. Les conjoints n'auraient aucune obligation, même « morale », d'employer ces sommes pour une mise de fonds pour leur fils, pas plus qu'ils ne seraient tenus d'utiliser pour des vacances les sommes déposées dans un compte « vacances ». Heureusement d'ailleurs, puisque si Marcus était considéré comme le propriétaire des sommes, les règles d'attribution auraient pour effet de réattribuer aux parents les revenus générés au nom de Marcus 3 . Si le patrimoine de ce dernier dépassait le seuil des 25 000 $ avant qu'il n'ait atteint l'âge de 18 ans, les parents se verraient dans l'obligation de mettre en place les mesures de surveillance propres à la tutelle au mineur 4 . Cela dit, si l'intention parentale était réellement de créer une fiducie au nom de Marcus, il serait préférable de faire rédiger un acte de donation fiduciaire qui viendrait établir clairement les paramètres de cette libéralité. Qui plus est, l'article 1275 C.c.Q. étant d'ordre public, les constituants auraient l'obligation de s'adjoindre au moins un fiduciaire qui ne serait ni constituant ni bénéficiaire. De même, si l'intention des parents était de donner l'argent à Marcus, sous réserve des conséquences discutées ci-dessus, l'ouverture d'un compte de tutelle au mineur serait plus appropriée. À cet égard et à la suggestion de la professeure Madeleine Cantin-Cumyn, les comptes ouverts par les administrateurs du bien d'autrui que sont les tuteurs, curateurs ou mandataires, devraient généralement être ouverts au nom de la personne 1 L.Q. 1991, c. 64, art. 1260 et s. (ci-après « C.c.Q. »). 2 Madeleine Cantin-Cumyn, L'administration du bien d'autrui, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2000, par. 160. 3 Par. 74.1(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), 2 e suppl., ch. 1 et ses modifications (ci-après « L.I.R. ») 4 Art. 209 C.c.Q. et La Cible, vol. 26, n o 1, Chronique Succession, « Bien planifier une adoption », mai 2018.

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