La Cible, magazine officiel de l’IQPF, est destinée aux planificateurs financiers et leur permet d’obtenir des unités de formation continue (UFC). Chaque numéro aborde une étude de cas touchant les différents domaines de la planification financière.
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14 lacible | Août 2018 SUCCESSION LES DÉCLINAISONS DE LA PROPRIÉTÉ AU QUÉBEC Caroline Marion LL. M., D. Fisc., Pl. Fin. Conseillère senior Trust Banque Nationale Étude de cas Élise s'inquiète de ne pas bien comprendre la nature des droits que la compagnie détient dans l'immeuble qu'elle exploite. C'est la première fois qu'elle entend parler d'une emphytéose et elle aimerait savoir ce qu'il adviendra de l'immeuble une fois les 50 ans écoulés. Elle consulte un planificateur financier qui l'envoie à un juriste afin d'obtenir les explications nécessaires. Le droit de propriété est défini à l'article 947 du Code civil du Québec 1 comme étant « le droit d'user, de jouir et de disposer librement et complètement d'un bien ». Les juristes emploient parfois les mots latins « usus », « fructus » et « abusus » pour désigner ces trois principaux attributs du droit de propriété. À ceux-ci, il faut ajouter l'accession, définie comme suit par l'article 948 C.c.Q. : « La propriété d'un bien donne droit à ce qu'il produit et à ce qui s'y unit de façon naturelle ou artificielle, dès l'union. » En droit civil, la « pleine propriété » signifie avoir : • l'usus : le droit d'utiliser le bien, de l'habiter, de s'en servir ; • le fructus : le droit de percevoir les fruits et les revenus que le bien produit (intérêts, d i v i d e n d e s , l oye r s) , m a i s a u ss i l e f r u i t d e s v é g é t a u x e t d u c ro î t d e s a n i m a u x ( l 'a u g m e n t a t i o n d ' u n t ro u p e a u p a r l e s naissances annuelles) ; • l'abusus : le droit de vendre, d'hypothéquer, d'user et même de détruire le bien ; • l'accession : le droit de devenir propriétaire de ce qui s'unit au bien de façon naturelle, comme les végétaux qui y poussent, ou encore artificielle, comme un bâtiment que l'on construit sur un terrain qui nous appartient. Le Code civil prévoit que le droit de propriété est susceptible de modalités et de démembrements 2 . Une modalité peut être définie comme une façon d'être propriétaire et le Code civil en prévoit deux : la copropriété et la propriété superficiaire 3 . Un démembrement est une division des attributs de la propriété entre différents titulaires de droits et le Code civil en prévoit quatre : l'usage, l'usufruit, la servitude et l'emphytéose 4 . La copropriété est la propriété que plusieurs personnes ont ensemble et concurremment sur le même bien 5 . On distingue la copropriété divise de la copropriété indivise. La copropriété divise 6 est celle utilisée pour les condominiums et elle s'accompagne d'une division cadastrale du bien en parties dites « privatives » et « communes ». Dans ce cas, chaque copropriétaire a des droits exclusifs relativement à une partie privative et une quote-part dans les parties communes qu'il partage avec d'autres. La copropriété indivise 7 existe dès que deux ou plusieurs personnes acquièrent ensemble un même bien. C'est notamment le cas lorsqu'un couple achète un immeuble « aux deux noms ». Enfin, la propriété superficiaire 8 est une propriété « superposée ». Par exemple, le propriétaire superficiaire détient une bâtisse sur le terrain d'un autre, le tréfoncier 9 . Il pourrait aussi être propriétaire d'une antenne située sur le toit d'un bâtiment qui appartient à un tiers. Les modalités peuvent même coexister, comme quand deux personnes sont copropriétaires d'une unité de condo. On a alors des copropriétaires indivis d'une copropriété divise ! En ce qui concerne les démembrements, la s e r v i t u d e 1 0 e s t v ra i s e m b l a b l e m e n t l a p l u s connue. Elle n'existe que relativement à des biens immeubles. Un propriétaire limite alors son droit de propriété pour en permettre l'usage – parfois exclusif – par quelqu'un d'autre. Ainsi, le propriétaire qui consent la servitude, appelé le propriétaire du fonds « servant », peut accorder un droit de passage (servitude de passage) ou s'abstenir de construire pour laisser la vue libre à un autre propriétaire (servitude de non-construction) ou encore permettre à un autre propriétaire de conserver une construction qui empiète sur son 1 Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64 (ci-après « C.c.Q. »). 2 Art. 947 al. 2 C.c.Q. 3 Art. 1009 C.c.Q. 4 Art. 1119 C.c.Q 5 Art. 1010 C.c.Q. 6 Art. 1038 à 1109 C.c.Q. 7 Art. 1012 à 1037 C.c.Q. 8 Art. 1110 à 1118 C.c.Q. 9 Art. 1011 C.c.Q. 10 Art. 1177 à 1194 C.c.Q.