La Cible, magazine officiel de l’IQPF, est destinée aux planificateurs financiers et leur permet d’obtenir des unités de formation continue (UFC). Chaque numéro aborde une étude de cas touchant les différents domaines de la planification financière.
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21 DOSSIER Georges R., son fils George H. et David sont tous trois des conseillers connus et respectés dans le milieu financier. Le Trust Royal agissait sur le plan administratif, mais laissait une grande latitude aux deux autres fiduciaires dont David, le bénéficiaire du revenu, faisait partie. Les politiques d'investissement sont le point de départ de la gestion de portefeuille. Avant 1993, la norme était moins sévère. Le tribunal laisse entendre que les fiduciaires ont suivi la norme de l'époque. Après 1994 et jusqu'en 2004, la politique est laxiste et ne se conforme plus aux nouveaux critères. Tant au niveau de la Cour supérieure du Québec qu'à celui de la Cour d'appel, trois fautes ont été retenues à l'encontre des fiduciaires : - Ne pas avoir eu de politique d'investis- sement adéquate à partir de 1994 ; - Avoir été téméraires dans l'analyse des risques qu'entraînait la concentration dans certains titres, soit GE (27 % de la valeur du portefeuille), IBM (9 %) et Nortel (35 %) ; - Avoir fait défaut de donner suite aux sérieux avertissements du Trust Royal de se départir de certains de ces titres à partir de l'année 2000. Malgré qu'ils aient exprimé certaines craintes ainsi que leur désaccord envers cette répartition d'actifs, ni Georges H. ni le Trust Royal n'ont empêché David de la maintenir. Ce dernier ne voulait surtout pas déclencher la réalisation du gain en capital important généré par la vente de ces titres avant l'explosion de la bulle technologique, à cause des impôts à payer. L'impact de la fiscalité dans l'analyse du risque Le juge Pierre Nollet, de la Cour supérieure, a fait une analyse détaillée de certains principes reliés à la gestion du risque dans les placements, dont les considérations fiscales. Il conclut que « l'impact fiscal ne peut constituer la seule mesure de la gestion du risque et être le critère décisionnel dans le cadre de l'administration des biens d'autrui ». En effet, selon le tribunal, dans ce contexte, la prudence dicte qu'il y ait une prise de profits régulière et une gestion active de la responsabilité fiscale. La Cour d'appel ne contredit pas ces principes. Le devoir de maintenir l'information financière Le Trust Royal avait le devoir d'assurer les tâches administratives. À cette fin, la Cour d'appel et le tribunal de première instance retiennent la mauvaise gestion documentaire pour la période entre 1937 et 1993. En fait, le Trust ne possède aucun document quant à la gestion initiale, rendant ainsi très difficile la reddition de compte à laquelle ont droit tous les bénéficiaires, incluant les bénéficiaires du capital. Il y a donc faute à ce niveau. La valeur des clauses d'exonération de responsabilité des fiduciaires L'obligation de prudence et de diligence des fiduciaires ne permet pas d'absoudre toute responsabilité. Le critère d'absence de fraude ou de mauvaise foi n'est pas suffisant. Cette clause ne peut s'appliquer si les fiduciaires ne s'acquittent pas de leur devoir, s'ils sont imprudents, négligents ou s'ils manquent de diligence. Remboursement des frais judiciaires et extrajudiciaires Le juge de première instance a décidé que les fiduciaires avaient droit au remboursement de leurs honoraires et des frais extrajudiciaires. Cette décision est annulée en appel. En effet, la Cour retient le fait que les administrateurs des biens d'autrui n'ont pas à puiser dans leurs propres poches pour les questions touchant l'administration lorsqu'ils agissent dans l'intérêt des bénéficiaires : « (l'administrateur) n'a pas à s'appauvrir en payant de sa poche des dépenses engagées au bénéfice du patrimoine fiduciaire ». Toutefois, les administrateurs sont solidairement responsables des dommages causés par leur administration. Ainsi, si le fiduciaire doit s'adresser au tribunal pour protéger les intérêts des bénéficiaires, c'est le bénéficiaire par le biais de la fiducie qui paye. Au contraire, si c'est son propre intérêt qui est en jeu, c'est lui-même qui doit payer. Les importants frais reliés à leur défense et demandes reconventionnelles, soit plus de 1 763 564,81 $, sont donc à la charge des fiduciaires qui doivent les assumer personnellement. Conclusion Toute la valeur de cette décision réside dans l'analyse soignée du juge de la Cour supérieure, reprise par la Cour d'appel, des critères à respecter dans la gestion d'un portefeuille de placement par des administrateurs du bien d'autrui, ainsi que l'attitude de prudence et de diligence dont ils doivent faire preuve dans leur fonction, qu'ils soient ou non rémunérés. I l e s t a u s s i à n o t e r q u e l a c o u r re t i e n t l a responsabilité du Trust Royal pour ne pas avoir conservé tous les documents relatifs à la gestion de la fiducie. Il est donc important de maintenir une comptabilité rigoureuse et à jour ainsi que l'historique des transactions tout au long de la durée de la fiducie, même si la période couverte est très longue.