La Cible

Octobre 2015

La Cible, magazine officiel de l’IQPF, est destinée aux planificateurs financiers et leur permet d’obtenir des unités de formation continue (UFC). Chaque numéro aborde une étude de cas touchant les différents domaines de la planification financière.

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21 DOSSIER 3 Processus inconscient de filtrage et d'organisation de l'information. 4 Amos TVERSKY et Daniel KAHNEMAN, « The Framing of Decisions and the Psychology of Choice », Science, New Series, vol. 211, n o 4481, 30 janvier 1981, p. 453, à la page 453 (notre traduction). propension à ne pas fermer un compte à perte peut donner lieu à des décisions financières irrationnelles, par exemple en tenant compte des coûts irrécupérables alors qu'ils ne devraient pas peser dans la balance. Le cadrage ( framing) Le cadre d'évaluation utilisé pour prendre une décision est influencé à la fois par les caractéristiques personnelles propres au décideur et par la façon dont le problème, les options offertes et leurs résultats possibles sont formulés. Comme planificateur financier, il faut être conscient que la façon de présenter une recommandation a des répercussions sur la décision que prendra le client. Dans La Cible du mois de mai 2015, nous vous avons présenté la première étape du processus décisionnel, la phase d'édition 3 . Il faut comprendre ici qu'une formulation différente de choix mathématiquement équivalents peut entraîner des évaluations complètement différentes, notamment parce que la qualification des résultats possibles à titre de « gains » ou de « pertes » engendre des résultats différents. L'exemple suivant démontre comment la présentation d'un problème peut influencer cette perception. Imaginez que les États-Unis se préparent à affronter une épidémie d'une maladie asiatique méconnue. On s'attend à ce que cette maladie fasse 600 morts. Deux programmes sont proposés pour contrer l'épidémie. Les résultats attendus des programmes proposés ont été présentés de deux façons. Première présentation des options offertes et de leurs résultats possibles Nombre de répondants : 152 • Si le programme A est choisi, 200 personnes seront sauvées. (Choisie à 72 %) • Si le programme B est choisi, la probabilité de sauver 600 personnes est de 1/3 alors que la probabilité que personne ne soit sauvé est de 2/3. (Choisie à 28 %) Quel programme choisiriez-vous ? Deuxième présentation des options offertes et de leurs résultats possibles Nombre de répondants : 155 • Si le programme C est choisi, 400 personnes mourront. (Choisie à 22 %) • Si le programme D est choisi, la probabilité qu'aucune personne ne meure est de 1/3 alors que la probabilité que 600 personnes meurent est de 2/3. (Choisie à 78 %) Quel programme choisiriez-vous 4 ? Les deux groupes de participants ont effectué des choix contraires même si, d'un point de vue mathématique, les résultats sont identiques. Dans la première présentation des options, on montre le programme A sous l'angle du gain alors que dans la deuxième présentation, on propose un programme C équivalent mais sous l'angle d'une perte, et inversement pour les programmes B et D. On voit ici que le passage d'une impression de gain à une impression de perte amène les décideurs à rechercher le risque, à l'opposé de l'aversion au risque qui ressort de la première présentation. Les différentes façons de présenter un problème peuvent engendrer d'autres anomalies dans le processus d'édition. Par exemple, on sait que les éléments partagés par plusieurs options peuvent être annulés, dans l'esprit du décideur, ce qui risque d'entraîner des choix différents pour des données qui sont pourtant mathématiquement équivalentes. En fait, les opérations du processus d'édition ont lieu lorsque le cerveau détecte la possibilité de simplifier l'information qu'il reçoit. Dans le même ordre d'idées, la façon de présenter une problématique risque d'influencer le compte mental touché par les résultats, c'est donc dire le point de référence, et ce, de façon différente d'une personne à l'autre. Aussi, il est essentiel d'adapter son discours à chaque client, tous n'analysant pas l'information de la même façon, avec la même rigueur et avec le même niveau de connaissances. L'ordre dans lequel l'information est présentée peut également avoir une influence, puisque le décideur accorde généralement un poids plus important à l'information reçue en premier. La comptabilité mentale et le cadrage s'arriment bien à la théorie des perspectives. La comptabilité mentale explique comment sont établis certains points de référence, en plus de confirmer l'influence de l'aversion aux pertes dans la prise de décision. Le cadrage influence à la fois le compte utilisé pour évaluer une option et l'angle positif ou négatif qui en teintera l'évaluation. La nature du travail du planificateur financier nécessitant une vue d'ensemble de la situation financière de ses clients, il navigue à contre-courant de leur tendance naturelle (et de la sienne) à tout compartimenter.

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