La Cible, magazine officiel de l’IQPF, est destinée aux planificateurs financiers et leur permet d’obtenir des unités de formation continue (UFC). Chaque numéro aborde une étude de cas touchant les différents domaines de la planification financière.
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COMMENT BIEN CHOISIR
SON LIQUIDATEUR
SUCCESSORAL
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Caroline Marion
LL. M., D. Fisc., Pl. Fin.
Gestionnaire fiduciaire
Services fiduciaires aux particuliers,
Fiducie Desjardins
Étude de cas
Tao et Suong n'ont pas encore de testaments.
Ils n'ont donc encore jamais eu à réfléchir à la
nomination d'un liquidateur successoral. Cette
réflexion, trop souvent escamotée au profit de celle
de la distribution du patrimoine, mérite pourtant
que nous y accordions toute notre attention. En
effet, un choix rapide, motivé par l'impression de
« récompenser » de notre totale confiance celui
ou celle qui héritera de cette charge, transforme
souvent l'expérience en cauchemar.
Ce n'est pas facile non plus de parler de la mort,
d'envisager notre mort, même quand nous sommes
en parfaite santé. Puis, quand vient le moment de
décider qui nommer comme liquidateur, nous avons
peu de repères ; souvent nous demandons conseil
ou alors, nous appliquons une version moderne
du « droit d'aînesse »
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en nommant d'abord le plus
vieux de nos enfants ou de notre fratrie, puis le
suivant en âge et ainsi de suite. En fait, la majorité
des gens ne savent pas vraiment en quoi consiste
le rôle du liquidateur, ce qui rend ce choix d'autant
plus difficile.
SUCCESSION
D'abord, qu'est-ce qu'un liquidateur ?
Avant 1994, soit avant l'entrée en vigueur du
Code civil du Québec
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, on l'appelait l'exécuteur
testamentaire, un anglicisme. Le mot a changé,
mais les fonctions sont restées sensiblement les
mêmes.
Le liquidateur, c'est la ou les personnes à qui nous
confions l'immense responsabilité de faire respecter
nos dernières volontés. Nous lui demandons de
prendre le contrôle de tous les biens qui nous
appartiennent, où qu'ils soient situés, afin de payer
nos dettes, nos impôts et les frais occasionnés par
notre décès, et de remettre nos biens, libres de
toutes réclamations futures, à ceux que nous avons
choisis pour en hériter. En d'autres mots, nous lui
demandons de fermer « toutes les portes » pour
éviter que quiconque revienne hanter nos proches.
Pourquoi doit-il y avoir un liquidateur ?
Seul le liquidateur peut poser des gestes sans
engager la responsabilité des héritiers, et ce, même
si le liquidateur est la même personne que l'héritier
ou est l'un des héritiers !
Pendant le processus de liquidation, la loi prévoit
qu'il y a « séparation des patrimoines » pour
protéger les héritiers
4
. Cette protection légale sera
toutefois perdue si le processus de liquidation n'est
pas respecté, c'est-à-dire si les étapes légales et
fiscales de la liquidation de succession ne sont pas
suivies à la lettre
5
.
La conséquence de ne pas suivre les règles est
grave ! Les héritiers deviennent responsables des
dettes du défunt, même au-delà de la valeur des
biens qu'ils ont reçus
6
.
Encore ici, le vocabulaire est important. Les héritiers,
ce ne sont pas toutes les personnes mentionnées
dans le testament. D'abord, les légataires à titre
particulier, ceux qui reçoivent un bien ou des biens
précis, ne seront jamais héritiers
7
. Quant à ceux qui
reçoivent des legs universels ou à titre universel, ils
ne sont que des « successibles » tant qu'ils n'ont
pas accepté leur legs ou tant qu'ils n'ont pas posé
des gestes qui font que la loi considère qu'ils ont
accepté la succession.
« Oui, mais le défunt n'avait pas de dettes ! » Une
ritournelle que nous entendons souvent. Sauf
qu'on oublie que parfois, le décès crée des dettes
(impôts, frais funéraires, honoraires professionnels,
etc.). De plus, si le défunt a vendu un immeuble
pendant sa vie, avec la garantie légale contre les
vices cachés, cette garantie subsiste jusqu'à un an
suivant la découverte du vice par l'acheteur
8
.
1 L'auteure tient à remercier chaleureusement sa collègue Sophie Sylvain, B.A.A.,
Pl. Fin., Conseillère principale, Stratégies d'affaires dans l'équipe des Services
spécialisés en gestion de patrimoine Desjardins, de lui avoir permis de retravailler
pour publication un texte développé conjointement dans le cadre d'un projet
commun. Les propos exprimés n'engagent cependant que l'auteure.
2 Selon le dictionnaire Larousse, le droit d'aînesse, en France, au Moyen Âge et
sous l'Ancien Régime, était un droit résultant de la priorité d'âge et qui réservait
au fils aîné d'une famille noble, au détriment des autres enfants, une part
prépondérante dans l'héritage paternel et maternel ; en ligne :