La Cible

Octobre 2021

La Cible, magazine officiel de l’IQPF, est destinée aux planificateurs financiers et leur permet d’obtenir des unités de formation continue (UFC). Chaque numéro aborde une étude de cas touchant les différents domaines de la planification financière.

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19 COMMENT BIEN CHOISIR SON LIQUIDATEUR SUCCESSORAL 1 Caroline Marion LL. M., D. Fisc., Pl. Fin. Gestionnaire fiduciaire Services fiduciaires aux particuliers, Fiducie Desjardins Étude de cas Tao et Suong n'ont pas encore de testaments. Ils n'ont donc encore jamais eu à réfléchir à la nomination d'un liquidateur successoral. Cette réflexion, trop souvent escamotée au profit de celle de la distribution du patrimoine, mérite pourtant que nous y accordions toute notre attention. En effet, un choix rapide, motivé par l'impression de « récompenser » de notre totale confiance celui ou celle qui héritera de cette charge, transforme souvent l'expérience en cauchemar. Ce n'est pas facile non plus de parler de la mort, d'envisager notre mort, même quand nous sommes en parfaite santé. Puis, quand vient le moment de décider qui nommer comme liquidateur, nous avons peu de repères ; souvent nous demandons conseil ou alors, nous appliquons une version moderne du « droit d'aînesse » 2 en nommant d'abord le plus vieux de nos enfants ou de notre fratrie, puis le suivant en âge et ainsi de suite. En fait, la majorité des gens ne savent pas vraiment en quoi consiste le rôle du liquidateur, ce qui rend ce choix d'autant plus difficile. SUCCESSION D'abord, qu'est-ce qu'un liquidateur ? Avant 1994, soit avant l'entrée en vigueur du Code civil du Québec 3 , on l'appelait l'exécuteur testamentaire, un anglicisme. Le mot a changé, mais les fonctions sont restées sensiblement les mêmes. Le liquidateur, c'est la ou les personnes à qui nous confions l'immense responsabilité de faire respecter nos dernières volontés. Nous lui demandons de prendre le contrôle de tous les biens qui nous appartiennent, où qu'ils soient situés, afin de payer nos dettes, nos impôts et les frais occasionnés par notre décès, et de remettre nos biens, libres de toutes réclamations futures, à ceux que nous avons choisis pour en hériter. En d'autres mots, nous lui demandons de fermer « toutes les portes » pour éviter que quiconque revienne hanter nos proches. Pourquoi doit-il y avoir un liquidateur ? Seul le liquidateur peut poser des gestes sans engager la responsabilité des héritiers, et ce, même si le liquidateur est la même personne que l'héritier ou est l'un des héritiers ! Pendant le processus de liquidation, la loi prévoit qu'il y a « séparation des patrimoines » pour protéger les héritiers 4 . Cette protection légale sera toutefois perdue si le processus de liquidation n'est pas respecté, c'est-à-dire si les étapes légales et fiscales de la liquidation de succession ne sont pas suivies à la lettre 5 . La conséquence de ne pas suivre les règles est grave ! Les héritiers deviennent responsables des dettes du défunt, même au-delà de la valeur des biens qu'ils ont reçus 6 . Encore ici, le vocabulaire est important. Les héritiers, ce ne sont pas toutes les personnes mentionnées dans le testament. D'abord, les légataires à titre particulier, ceux qui reçoivent un bien ou des biens précis, ne seront jamais héritiers 7 . Quant à ceux qui reçoivent des legs universels ou à titre universel, ils ne sont que des « successibles » tant qu'ils n'ont pas accepté leur legs ou tant qu'ils n'ont pas posé des gestes qui font que la loi considère qu'ils ont accepté la succession. « Oui, mais le défunt n'avait pas de dettes ! » Une ritournelle que nous entendons souvent. Sauf qu'on oublie que parfois, le décès crée des dettes (impôts, frais funéraires, honoraires professionnels, etc.). De plus, si le défunt a vendu un immeuble pendant sa vie, avec la garantie légale contre les vices cachés, cette garantie subsiste jusqu'à un an suivant la découverte du vice par l'acheteur 8 . 1 L'auteure tient à remercier chaleureusement sa collègue Sophie Sylvain, B.A.A., Pl. Fin., Conseillère principale, Stratégies d'affaires dans l'équipe des Services spécialisés en gestion de patrimoine Desjardins, de lui avoir permis de retravailler pour publication un texte développé conjointement dans le cadre d'un projet commun. Les propos exprimés n'engagent cependant que l'auteure. 2 Selon le dictionnaire Larousse, le droit d'aînesse, en France, au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime, était un droit résultant de la priorité d'âge et qui réservait au fils aîné d'une famille noble, au détriment des autres enfants, une part prépondérante dans l'héritage paternel et maternel ; en ligne : . 3 L.Q. 1991, c. 64 (ci-après « C.c.Q. »). 4 Art. 780 C.c.Q. 5 Art. 779, 799, 800 et 801 C.c.Q. 6 Art. 782 C.c.Q. 7 Art. 739 C.c.Q. : « Le légataire particulier qui accepte le legs n'est pas un héritier, mais il est néanmoins saisi, comme un héritier, des biens légués, par le décès du défunt ou par l'événement qui donne effet à son legs. Il n'est pas tenu des obligations du défunt sur ces biens, à moins que les autres biens de la succession ne suffisent pas à payer les dettes ; en ce cas, il n'est tenu qu'à concurrence de la valeur des biens qu'il recueille. » (Nos caractères gras et soulignés.) 8 Khan c. Pelchat (Succession de), 2021 QCCS 1547, juge Marc St-Pierre.

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