La Cible, magazine officiel de l’IQPF, est destinée aux planificateurs financiers et leur permet d’obtenir des unités de formation continue (UFC). Chaque numéro aborde une étude de cas touchant les différents domaines de la planification financière.
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18 lacible | Mai 2021 SUCCESSION VERS UNE PLUS GRANDE AUTONOMIE DES PERSONNES VULNÉRABLES 1 ! Caroline Marion LL. M., D. Fisc., Pl. Fin. Gestionnaire fiduciaire Services fiduciaires aux particuliers, Fiducie Desjardins Étude de cas Farah et Romain envisagent de mettre sur pied un régime de protection de conseiller au majeur pour leur fils Samuel, âgé de 21 ans et souffrant d'une légère déficience intellectuelle, afin de l'assister dans la gestion de ses finances sans limiter son autonomie. Hélas, si tel est leur souhait, ils devront agir vite, car ce régime de protection sera bientôt aboli. Ils pourraient aussi attendre et opter pour une tutelle qui sera modulée ou pour la nomination d'un assistant, lorsque les nouvelles dispositions du Code civil du Québec 2 à cet égard seront entrées en vigueur. En effet, le 3 juin 2020, l'Assemblée nationale sanctionnait le projet de loi n o 18, devenu la Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes 3 . Devant entrer en vigueur d'ici juin 2022, son objectif est de moderniser le droit applicable aux personnes mineures, inaptes ou en situation de vulnérabilité. Elle modifie de façon considérable les régimes de protection du majeur inapte et corrige quelques lacunes observées depuis l'entrée en vigueur de la dernière réforme en 1990 4 . Qualifiée par le Curateur public de « petite révolution », la loi permettra de valoriser les capacités des personnes inaptes, plutôt que de souligner leurs incapacités. Un seul régime de protection : la tutelle, mais modulée La loi vient tout d'abord abroger les régimes de curatelle et de conseiller au majeur. Ainsi, dès l'entrée en vigueur de la loi, le tribunal devra, dans tous les cas, évaluer la capacité résiduelle du majeur à protéger et moduler en conséquence les règles applicables à son régime de tutelle pour tenir compte de ses facultés. On se retrouvera donc avec des régimes de tutelle beaucoup plus personnalisés qu'il faudra analyser pour déterminer les gestes que le majeur pourra continuer de poser seul, avec l'assistance de son tuteur ou par l'entremise de son tuteur. Le tribunal fixera également les délais de rééva- luation médicale et psychosociale du majeur en fonction de la nature de son inaptitude (totale ou partielle, permanente ou temporaire), de l'étendue de ses besoins et des autres circonstances de sa condition. Comme c'est le cas actuellement pour les curatelles, les délais de réévaluation psychosociale ne pourront excéder cinq ans, mais pourraient être plus courts. Les délais de réévaluation médicale pourront toutefois passer à 10 ans, s'il est manifeste que la situation du majeur demeurera inchangée. Le rôle des évaluateurs deviendra nécessairement plus probant puisque ce sont eux qui seront chargés de guider le tribunal dans la détermination des modulations du régime et d'indiquer les délais de réévaluation appropriés. Des ajustements attendus relativement au régime de tutelle La loi vient corriger plusieurs lacunes qui ont pu être observées dans la mise en œuvre et la gestion des régimes de protection. Par exemple : • Il sera désormais permis aux deux parents d'un majeur inapte d'être nommés conjointement tuteurs à sa personne, comme c'était le cas alors qu'il était mineur 5 . À l'heure actuelle, on ne peut nommer qu'un seul tuteur à la personne, mais plusieurs tuteurs aux biens 6 ; • Il sera possible pour le tribunal de nommer, lors de l'ouverture de la tutelle, un tuteur remplaçant, ce qui assouplit le processus exigeant actuellement que le conseil de tutelle provoque une nouvelle nomination, lorsque le tuteur préalablement nommé cesse d'exercer ses fonctions 7 ; • Une assemblée de parents, d'alliés ou d'amis pourra être tenue même si un quorum de cinq personnes n'est pas atteint, du moment qu'au moins cinq personnes auront été convoquées. Actuellement, la loi exige qu'au moins cinq personnes assistent à cette assemblée 8 . En outre, 1 L'auteure tient à remercier M e Audrée Sirois, notaire, TEP, Conseillère en développement chez Fiducie Desjardins pour sa relecture et ses commentaires toujours judicieux. L'auteure demeure cependant seule responsable des opinions émises dans ce texte. 2 L.Q. 1991, c. 64 (ci-après « C.c.Q. »). 3 L.Q. 2020, c. 11. 4 Loi sur le curateur public, RLRQ, c. C-81 (L.Q. 1989, c. 54). 5 Art. 192 C.c.Q. 6 Art. 187 C.c.Q. 7 Art. 205 et 297 C.c.Q. 8 Art. 226 C.c.Q.