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Il faudrait d'abord la questionner pour savoir si elle a
demandé et reçu, de Revenu Québec
9
, l'autorisation
partielle à distribuer les biens dans le cadre de
la succession. Autrement, elle entraînerait sa
responsabilité personnelle en tant que liquidatrice
pour toute dette fiscale de son défunt père jusqu'à
concurrence de la valeur de tout bien distribué et
de tout montant payé à des créanciers en sus d'un
premier montant de 12 000 $.
Il faudrait ensuite savoir si les biens meubles de
la maison familiale sont légués à titre particulier
ou s'ils font partie du résidu partageable entre les
héritiers. Dans le premier cas, le liquidateur n'a pas
le droit de distribuer ou même de vendre des biens
légués à titre particulier, sauf si c'est nécessaire
pour payer les dettes de la succession ou limiter
les dettes successorales
10
. Par contre, si Jasmine est
personnellement la seule légataire à titre particulier
de ces biens, elle peut bien en disposer à sa guise.
Si les meubles font plutôt partie du résidu, son
devoir à titre de liquidatrice et de cohéritière serait
de consulter son frère pour connaître d'abord son
intérêt par rapport à ces biens et s'assurer de le
compenser par une valeur équivalente en argent
s'il n'avait pas d'intérêt sur les biens comme tels
11
.
Le fait de faire un inventaire de ces biens
12
et de les
faire évaluer pourrait être une mesure de protection
additionnelle à appliquer pour éviter de se faire
autrement reprocher ses actions lors de la reddition
de comptes. Enfin, il faudrait lui rappeler que le fait
de confondre les biens du défunt avec des biens
personnels d'un héritier entraînera la responsabilité
légale de cet héritier pour les dettes successorales
au-delà de la valeur des biens hérités
13
.
Il n'est pas dit que Jasmine abuse volontairement
de ses pouvoirs ; elle pourrait simplement ignorer
les conséquences de ses actions, mais comme
le dit l'adage, « nul n'est censé ignorer la loi ». Il
serait donc prudent que Jérôme l'en avise avant
d'envisager de consulter un avocat pour exercer un
recours comme exiger qu'on lui remette une copie
du testament et de l'inventaire.
En terminant, qu'aurait pu faire un testateur
pour éviter les dérapages possibles ? D'abord,
choisir judicieusement son liquidateur. Il est faux
de prétendre que n'importe qui peut s'acquitter
adéquatement de cette tâche. Un bon liquidateur
devrait posséder toutes les qualités suivantes :
disponibilité, intégrité, jugement sûr, impartialité,
longévité, transparence, efficacité et temps
disponible, facilité de négociation, sens des
responsabilités et capacité de travailler en équipe.
Enfin, il est souvent recommandé de nommer deux
personnes conjointement à titre de liquidateur. On
diminue alors les risques et les tentations.
9 En application de l'article 14 de la Loi sur l'administration fiscale, RLRQ, c.
A.6.002. Cette autorisation peut être demandée en remplissant le formulaire
MR-14.A, disponible en ligne : .
10 Art. 813 C.c.Q.
11 Art. 1308, 1310, 1312 et 1313 C.c.Q.
12 Art. 794 à 797 et 1324 à 1331 C.c.Q.
13 Art. 801 C.c.Q.
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